Adaptation libre et mise en scène: Bruno Abraham-Kremer
Avec Corine Juresco, Andrée Tainsy, Sarah Adler
et Bruno Abraham-Kremer
Scénographie: Philippe Marioge
Lumière: Arno Veyrat
Création sonore: Thierry Balasse
Costumes: Charlotte Villermet
Assistante à la mise en scène: Sarah Adler
Création aux Gémeaux / Scène nationale / Sceaux en 2000 et reprise au Théâtre Jean Vilar de Suresne en 2001
Production Théâtre de l’Invisible / Les Gémeaux
D’Amsterdam 1941 à Westerbork 1943.
Huit cahiers remplis d’une écriture serrée. Etty Hillesum, jeune femme juive de 27 ans écrit son journal. Elle, dont le rêve était de devenir écrivain, entre sans le savoir en littérature.
Alors que le piège de l’anéantissement se referme sur les juifs partout en Europe, Etty s’ouvre à l’amour de soi, des autres, de la vie, de Dieu… grâce à un homme, Julius Spier qui fût son thérapeute d’abord, son amant, son initiateur, son Ami surtout ; celui qui l’aidera « à oser prononcer le nom de Dieu… »
Jour après jour, elle consigne avec une précision implacable ses états d’être, ses mouvements d’âme, sa vie quotidienne à Amsterdam, les mesures anti-juives, sa passion pour le russe qu’elle traduit et enseigne, ses découvertes littéraires – Rilke ! – ou sexuelles …
Plus que tout, malgré la haine dévorante qui l’entoure -elle et les siens-, elle affermie sa confiance dans l’Homme, dans la Vie, et ce sentiment ne fera que croître jusqu’au bout…
Etty Hillesum est morte à Auschwitz en novembre 1943. Quelques jours plus tôt, du camp de Westerbork où elle avait fait le choix d’aider les siens à affronter les épreuves de l’holocauste, elle écrivait :
« Les quelques grandes choses qui importent dans la vie, on doit garder les yeux fixés sur elles, on peut laisser tomber sans crainte tout le reste. Par essence la vie est bonne, et si elle prend parfois de si mauvais chemins, ce n’est pas la faute de Dieu, mais la notre. Cela reste mon dernier mot, même maintenant, même si l’on m’envoie en Pologne avec toute ma famille. C’est comme une petite vague qui remonte toujours en moi et me réchauffe, même après les moments les plus difficiles : « Comme la vie est belle pourtant » ! C’est un sentiment inexplicable… » |
Depuis des années, je voulais tenter de partager un cadeau qui m’a été fait par mes aînés et dont chaque jour je comprends mieux la valeur. Eux qui ont traversé cette période d’épouvante se sont évertués à me transmettre l’amour de la Vie ! Ils m’ont fait goûter cette sensation qu’au-delà de toutes les formes, des conditions heureuses ou malheureuses de l’existence, le fait même d’être en vie est une réjouissance.
Etty Hillesum traverse le temps. Elle est pour moi comme une grande sœur inconnue qui me redonne confiance dans les moments difficiles… Face à elle, les barbares ont échoué. Ils n’ont pas réussi à lui faire perdre sa dignité humaine. Celle que ses amis surnommaient parfois « la Carmen russe » fait partie de ces êtres rares qui me rappellent à chaque instant que « la Vie est belle pourtant… »
Trois comédiennes, trois générations de femmes… Une dame très âgée, une survivante (peut-être Maria Tuinzing qui a effectivement recueilli le journal et la correspondance) fait découvrir à une toute jeune fille d’aujourd’hui la « Vie bouleversée » de son amie Etty Hillesum.
Bruno Abraham-Kremer
« Par essence la vie est bonne. Cela reste mon dernier mot, même maintenant, même si l’on m’envoie en Pologne avec toute ma famille.
C’est comme une petite vague qui remonte toujours en moi et me réchauffe, même après les moments les plus difficiles : « Comme la vie est belle pourtant » !
C’est un sentiment inexplicable…»
Etty Hillesum
Extraits de presse
LE FIGARO
“ Comme la vie est belle pourtant… ” C’est cette phrase arrachée aux textes de la Néerlandaise Etty Hillesum que Bruno Abraham-Kremer a choisi pour titre du spectacle, une adaptation très sobre pour quatre voix, un piano et quelques chants.Les textes d’Etty Hillesum, qui mourut à Auschwitz le 30 novembre 1943, témoignent de la clairvoyance et de l’appétit de vivre d’une jeune femme douée pour le bonheur.
Le spectacle de Bruno Abraham-Kremer en rend compte avec pudeur, discrétion dans la simplicité d’une célébration délicate :Sarah Adler et Andrée Tainsy, deux âges se penchent sur un destin tandis que Corine Juresco incarne avec sensibilité la jeune femme ( sous le regard de Bruno Abraham-Kremer.)
A la fin Andrée Tainsy sera dans les ultimes lumières de la scène pour clore cette évocation brève et aiguë qui fait revivre Etty et sa voix, sa vaillance, son courage intellectuel, moral, physique.
Tout cela est très simple, très pur, très sobre. Seule manière pertinente de donner le sentiment de ce destin tragique et pourtant solaire qui a passionné les lecteurs.
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
Un spectacle à découvrir en faisant confiance au talent,à la délicatesse, à la profondeur fraternelle de Bruno Abraham-Kremer.
LA CROIX
Il ne reste que quelques jours pour aller écouter, au Théâtre national des Gémeaux, la petite voix retentissante d’Etty Hillesum.L’adaptation de Bruno Abraham-Kremer qui puise parmi les meilleures pages de son journal, et aussi de ses lettres de Westerbork, se veut toute de sobriété, organisée autour d’un piano.
La jeune Corine Juresco nous donne la mesure d’une Etty follement libre.
Cette nouvelle démarche Théâtrale contribuera à placer Etty Hillesum parmi les grands témoins qui osèrent affronter la question du mal extrême.
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Bruno Abraham-Kremer recrée une atmosphère, prolonge la transmission du témoignage. Une vieille femme (Andrée Tainsy) tire d’une boîte en métal le cahier, les lettres qu’elle relit avec une jeune fille. Toutes deux font revivre Etty et sa foi inaltérable en la vie.
Le message passe.
LA TRIBUNE
Bruno Abraham-Kremer a adapté le texte d’Etty avec intelligence et sensibilité. Une survivante, peut-être, de l’Holocauste (la toujours jeune nonagénaire Andrée Tainsy) et une presque gamine (Sarah Adler) font revivre une Etty ( Corine Juresco, superbe) convaincante, avec humour et émotion.Extrait de Lettres de Westerbork
(publié aux éditions du seuil)
Parmi ceux qui échouent sur cet aride pan de lande de cinq cents mètres de large sur six cents de long, on trouve aussi des vedettes de la vie politique des grandes villes. Autour d’eux, les décors de théâtre qui les protégeaient ont été soudain emportés par un formidable coup de balai et les voilà, encore tout tremblants et dépaysés, sur cette scène nue et ouverte aux quatre vents qui s’appelle Westerbork.
Arrachés à leur contexte, leurs figures sont encore auréolées de l’atmosphère palpable qui s’attache à la vie mouvementée d’une société plus complexe que celle-ci. Ils longent les minces barbelés, et leurs silhouettes vulnérables se découpent en grandeur réelle sur l’immense plaine du ciel. Il faut les avoir vu marcher ainsi… La solide armure que leur avaient forgé position sociale, notoriété et fortune est tombée en pièces, leur laissant pour tout vêtement la mince chemise de leur humanité. Ils se retrouvent dans un espace vide, seulement délimité par le ciel et la terre et qu’il leur faudra meubler de leurs propres ressources intérieures. Il ne leur reste plus rien d’autre.
Etty Hillesum